14 mars 2025
Av P.E. Lumumba
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AFC/M23 à Bukavu : qui est derrière le drame de la Place de l’Indépendance ?

Onze morts et 65 blessés, tel est, jusqu’ici, le bilan officiel de la série d’explosions survenues ce jeudi 27 février 2025, lors du meeting tenu par les autorités de l’AFC/M23 à la Place de l’Indépendance. Cet événement dramatique demeure sans véritable responsable, tandis que le M23 et le pouvoir s’en rejettent mutuellement la responsabilité.

Tout semblait bien se dérouler, et les différentes interventions avaient suivi leur cours. Alors que Corneille Naanga et ses lieutenants venaient de réaliser un exploit en remplissant l’emblématique Place de l’Indépendance au point de déborder, le meeting touchait à sa fin lorsque le pire s’est produit.

Trois projectiles, dont l’origine et la nature restent inconnues, ont été simultanément lancés sur la foule, causant des morts et de nombreux blessés.

Des accusations croisées

Pour l’AFC/M23, cet acte serait le fait du régime de Kinshasa, qui, après des échecs militaires retentissants, aurait décidé de s’en prendre à la population civile.

« Après leur débâcle sur le terrain des opérations militaires, les forces coalisées du régime de Kinshasa viennent d’attaquer la population de Bukavu après le meeting populaire organisé par l’Alliance Fleuve Congo (AFC/M23) », peut-on lire dans un communiqué diffusé par la rébellion après le drame.

Selon ce communiqué signé par Lawrence Kanyuka, point focal communication du mouvement politico-militaire, l’ordre de tirer sur les civils aurait été donné par « Monsieur Félix Tshilombo, à l’issue d’une rencontre avec son dernier gouverneur chassé de Bukavu ».

Le porte-parole de l’AFC/M23 annonce cependant l’arrestation immédiate de deux des assaillants, qu’il qualifie de « terroristes de Kinshasa ».

De son côté, le pouvoir de Kinshasa rejette catégoriquement ces accusations et désigne à son tour la bande à Corneille Naanga comme seule responsable de ce drame.

Sur le compte X de la présidence de la République, le Président Tshisekedi a exprimé sa compassion envers la population de Bukavu après « une explosion survenue lors d’un meeting forcé, ce jeudi, à la Place de l’Indépendance ».

Dans un message indirect visant ses antagonistes, « le Président Tshisekedi condamne fermement cet acte terroriste odieux perpétré par une armée étrangère présente sur le sol congolais ».

Dans ses diverses communications, le régime de Kinshasa qualifie souvent la lutte de l’AFC/M23 d’agression extérieure, qu’il impute à l’armée rwandaise.  De son côté, l’AFC/M23 soutient être une initiative révolutionnaire des congolais qui s’opposent aux dérives du pouvoir de Félix Tshisekedi.

Ces déclarations illustrent la volonté manifeste des deux camps de se rejeter la responsabilité de cet acte, qui, de par sa nature, pourrait être qualifié de crime contre l’humanité.

Un mystère non résolu

Aucune analyse rationnelle ne semble permettre d’élucider cette tragédie. Si Kinshasa accuse l’AFC/M23, il convient de rappeler que l’explosion a eu lieu à la fin d’un meeting organisé et animé par les principaux responsables du mouvement, dont Corneille Naanga et son adjoint Bertrand Bisimwa. Quel intérêt auraient-ils eu à saboter leur propre événement, alors que sa réussite marquait un tournant décisif dans la légitimation de leur révolution ? À moins d’un scénario de sadisme extrême, cette hypothèse semble peu probable.

D’autre part, une attaque menée par « les forces coalisées du régime de Kinshasa » relève presque du miracle, si ce n’est de l’impossible.

Le M23, qui règne en maître absolu sur la ville et ses environs, est réputé pour l’efficacité de ses mécanismes de surveillance et d’investigation. Comment aurait-il pu être surpris par une telle offensive, qui plus est lors d’un meeting animé par ses plus hauts cadres ? Si l’hypothèse de l’auto-sabotage paraît invraisemblable, celle d’un tel manquement à la sécurité reste, elle aussi, étonnante, bien que l’erreur humaine soit toujours possible.

Une alerte ignorée ?

La veille, une alerte avait circulé sur les réseaux sociaux, mettant en garde contre une possible attaque pendant le meeting. Pourtant, elle n’a suscité aucune réaction. Méfiants vis-à-vis des fausses alertes, des milliers de Bukaviens se sont malgré tout rendus sur place. Cet afflux massif aurait-il facilité l’action du ou des assaillants ?

Peu avant la première explosion, le général Bernard Byamungu, chef de l’armée révolutionnaire du Congo (branche militaire de l’AFC/M23) présent au rassemblement, avait pourtant rassuré le public en affirmant que la situation était sous contrôle. Il avait même attribué la diffusion des rumeurs à Albert Kahasha, dit « Foka Mike », un ancien officier des FARDC converti à la politique, qui avait récemment annoncé avoir repris les armes pour contrer la prise de Bukavu par le M23.

Si les soupçons du général Byamungu sont fondés, Albert Kahasha pourrait-il être tenu pour responsable de cette attaque ? Pourtant, d’après son accusateur, il se trouverait à Nzibira, au fond du territoire de Walungu. Pour réussir une telle opération en plein cœur d’un meeting sans être détecté, il lui aurait fallu des moyens considérables.

Face à ces hypothèses contradictoires, il semble évident qu’aucun consensus ne pourra être trouvé entre les différentes parties.

Néanmoins, il convient de signaler que les responsables de l’Alliance Fleuve Congo (AFC/M23) se sont engagés à supporter les obsèques des personnes décédées et à prendre la charge des soins des blessés.

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